Nombre total de pages vues

dimanche 21 février 2010

MICROBES

MAIS ABORDONS LA QUESTION DES MICROBES

Désinfecter, faire la chasse aux microbes, ne signifie pas guérir et il est temps de faire justice de la conception simpliste et erronée qui a prévalu encore ces années passées et selon laquelle l'apport accidentel d'un microbe sur une muqueuse détermine à lui seul la maladie. Le microbe est le diable de notre siècle, il en assure la fonction. Il vaut mieux incriminer le voisin porteur de germes que ses propres excès de régime et ses erreurs de vie. En un mot, l'abus que l'on a fait de la notion de contagion est un véritable délire d'influence.

Allendy rapporte dans un de ses derniers ouvrages auquel j'ai fait de larges emprunts, précisément sur la guérison, qu'avant la guerre, faisant son service militaire à l'Hôpital Villemin, à Paris, il avait été frappé de ce fait: Désireux de se soustraire au service et d'avoir un long congé, des soldats entrés à l'hôpital pour une affection bénigne et sur le point de sortir, s'échappaient la nuit de leurs salles et entraient frauduleusement dans la division des scarlatineux. Là, ils demandaient aux camarades qui leur semblaient du plus beau rouge de partager leur lit quelques instants pour se frotter à eux. Or, jamais aucun d'eux ne contracta la maladie. On ne pourrait pourtant rêver une plus belle possibilité de contagion.

Il est aussi remarquable que les médecins et tout le personnel sanitaire attaché aux contagieux soit si peu frappé, et cela sans précautions bien valables. C'est ce qui fait parler d'immunité professionnelle.

Il faudrait expliquer pourquoi les épidémies ont des marches si singulières, pourquoi elles cessent précisément à un moment donné et pourquoi elles reviennent selon une périodicité précise. Malgré vaccins et sérums, la diphtérie revient tous les sept ans, la dengue tous les douze ans, la rougeole tous les cinq ans, la grippe épidémique tous les vingt ans à peu près. J'entends les fortes épidémies.

D'autre part, le fait que l'on observe la contagion de maladies qui ne sont nullement infectieuses, comme les tics, les crises d'hystérie, même les suicides, au point que les psychiatres parlent de contagion mentale, montre au moins que la propagation d'un trouble peut reconnaître des causes plus subtiles que la transmission de germes.

Pour réduire encore l'idée toute mécanique qu'on se fait généralement de la contagion, il faut envisager l'énorme importance du facteur psychique, dans la genèse du processus morbide. Crollius indiquait la peur de l'épidémie comme le principal facteur de son apparition et de fait, nous savons combien la peur de la grippe facilite son éclosion! Ne connaît-on pas l'histoire de la fameuse expérience de Firme qui a provoqué par simple suggestion verbale de véritables brûlures du deuxième degré, de la température et des éruptions. Le rôle des forces psychiques et leur influence aussi bien comme causes de maladies et moyens de guérison, est incomparablement plus grand qu'on ne pense.

Combien de mécanismes nous sont encore inconnus! Que sait-on de l'incubation, ce mécanisme secret et préférable aux maladies? Et d'autre part, pourrait-on expliquer la fameuse question des localisations morbides? Pourquoi le rhumatisme frappe-t-il telle articulation de préférence aux autres, la pneumonie tel poumon, l'angine ou l'otite tel côté plutôt que l'autre?

Que de mystères et de problèmes en friche pour le travailleur! Cela doit nous rendre bien modestes, et pourtant, quelle n'est pas la joie du médecin, quand il satisfait aux lois naturelles, d'observer toutes les possibilités de récupération et de rétablissement, jusqu'à la guérison, dans des cas qui paraissent désespérés! C'est pourquoi aucun zèle, aucune tentative, aucun effort ne seront plus grands pour connaître, puis appliquer ces lois qui nous offrent des possibilités plus grandes de guérir.

La vraie thérapeutique doit secouer les vieux préjugés! Ne commettons pas l'erreur de prendre le symptôme pour le mal, de soigner - comme on le voit fréquemment - par exemple un diabétique en cherchant à supprimer sa glycosurie, sans s'inquiéter de son foie, de son pancréas, de ses reins ou des autres organes déficients. Ne voit-on pas, en médecine courante, la suppression de la douleur par les narcotiques, des diarrhées par l'opium, de l'insomnie par des soporifiques, de l'anorexie par les amers, des éruptions par des pommades suppressives?

On tombe ainsi dans l'erreur palliative, mais palliation n'est pas guérison. La thérapeutique ne doit pas confondre les symptômes du moment avec la maladie, prendre la cause secondaire pour la cause efficiente et essentielle, essayer de supprimer comme cause morbide ce qui n'est qu'une réaction de défense; elle ne doit surtout pas s'imaginer qu'une maladie est limitée dans l'espace, localisée à certains organes, ni dans le temps, sans rapport avec les manifestations morbides antérieures.

Si l'on demande à un médecin allopathe comment il peut prouver qu'il a guéri quelqu'un --J'entends bien guéri, non pas rétabli momentanément, ou camouflé telle étape morbide-- sa seule réponse serait celle énoncée au début de notre entretien, à savoir que le malade n'est pas mort, ou que telle manifestation pathologique pour laquelle un remède a été prescrit ou une opération effectuée, a disparu.

Si vous posez la même question à un médecin rompu aux pratiques homoéopathiques, vous verrez qu'il y a des moyens pour différencier une guérison réelle d'une métastase ou substitution morbide. En effet, nous savons que l'agressivité morbide a toujours une direction centrifuge, c'est pourquoi un individu qui fait une éruption ou une fièvre au cours de sa maladie est dans une bonne voie, qu'il faut se garder de supprimer.

Lorsqu'au chevet des malades, après l'administration de son remède choisi d'après la totalité des symptômes et basé sur l'état général du malade, le médecin voit, en observant les premières manifestations et le cours de IF, maladie, que les symptômes suivent une direction centrifuge, c'est-à-dire que les symptômes disparaissent, comme nous disons, de haut en bas, de dedans en dehors et dans l'ordre inverse de leur arrivée, il sait que le malade est sur la voie de la guérison, et que son agent médicamenteux a exercé une influence sur le malade, parce que si la maladie suivait son propre cours, cette rétrogradation des symptômes n'aurait jamais lieu.

L'évolution des maladies chroniques est centripète: elles se dirigent de dehors en dedans, de la périphérie vers le centre, des organes moins importants aux organes nobles. Il s'en suit que le malade retrouvera progressivement sa santé dans la mesure où ces manifestations primaires de la maladie pourront être refoulées vers la surface. C'est pourquoi, au fur et à mesure que le malade évolue vers la guérison, ses troubles cardiaques, pulmonaires, rénaux ou cérébraux doivent s'accompagner de manifestations externes. Personne n'ignore la chute des cheveux à l'issue d'affections graves, la desquamation de la peau, les modifications des ongles.

Certains cardiaques rhumatisants, par exemple, lors de leur cure, vous disent: "Mais, docteur, lors de votre dernière visite, mon cœur allait mal; maintenant il va bien mais je marchais facilement et maintenant mes articulations sont enflées et je suis tout ankylosé." Cela signifie que le malade va guérir, et si le médecin ignore cette interprétation précise, il établira une ordonnance qui refoulera le rhumatisme des extrémités à nouveau vers le cœur, et le malade s'aggravera immédiatement, s'il ne devient pas même incurable. Simple illustration qui sert à montrer comment les manifestations morbides peuvent être changées de l'intérieur vers l'extérieur. Il se peut que la guérison ne puisse jamais être complète, il est peut-être aussi possible que l'état de ce malade soit, comme nous disons, "irréversible". Néanmoins c'est l'unique direction selon laquelle la guérison doit s'opérer, et il ne reste d'autre possibilité de cure que cette translation vers la périphérie de manifestations depuis longtemps disparues.

Le médecin, pour guérir véritablement, devra donc rechercher d'abord les causes profondes, par une interrogatoire absolument complet et un examen détaillé, puis s'occuper de l'alimentation de son malade, corriger tout ce qui peut être nocif dans son ambiance physique et psychique. S'il donne des médicaments, ceux-là doivent être envisagés non comme une force antagoniste à la maladie, mais comme un excitant spécifique destiné à intensifier la réaction naturelle de défense, et c'est là où les remèdes choisis d'après le principe de similitude et donnés à doses non nocives peuvent venir en aide à un organisme troublé.

La première tâche du praticien est de prendre connaissance de la totalité des symptômes dans le temps et dans l'espace, et d'opposer à cette totalité le médicament approprie.

En résumé, pour rappeler la suggestive comparaison d'un confrère parisien, "d'existence individuelle est comparable à la flamme d'une bougie qui, constante dans sa forme, incorpore des éléments indéfiniment changés, et cependant dure entre un commencement et un terme. Telle est la vie dans son ensemble, une perpétuelle guérison."

J'espère que ces considérations vous auront montré que la notion de guérison n'est pas si simpliste, et qu'il était intéressant de lui consacrer quelques digressions.

Aucun commentaire: